Tribune – conséquences de la future réglementation incendies

Plus de 600 élus, architectes, promoteurs et bailleurs cosignent une tribune, publiée dans Le Monde,  pointant les contradictions de l’Etat dans l’atteinte de ses objectifs en matière de transition écologique. En effet, alors même que la France s’est donné l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, un projet d’arrêté sur la réglementation incendie dans le secteur du bâtiment met en péril la construction bas carbone.

Des règlementations en contradiction avec la transition écologique

« Pour lutter contre le changement climatique, la France s’est donné l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans ce contexte, la Première ministre Élisabeth Borne a récemment placé le bâtiment parmi les chantiers les plus prioritaires de décarbonation. L’effort est considérable, le secteur doit réduire d’au moins 54% ses émissions de gaz à effet de serre pour y parvenir.

La construction bas-carbone est un formidable levier pour améliorer le bilan carbone du pays et le rendre plus résilient aux effets liés au changement climatique. L’usage du bois et autres matériaux biosourcés est le meilleur moyen de rendre réelle la transition écologique dans les territoires.

Nous en sommes convaincus et c’est pour cette raison que nous, élus, architectes, promoteurs, bailleurs, aménageurs, représentants de la société civile, nous construisons déjà les villes de demain en privilégiant des matériaux qui répondent aux enjeux climatiques.

Pourtant, alors même que l’État a adopté une nouvelle règlementation environnementale visant à décarboner le secteur du bâtiment, la « RE2020 », qui nous oblige collectivement, l’administration menace cette grande révolution écologique d’une décision « couperet » sur la sécurité incendie dans les établissements recevant du public, dans laquelle il est assumé que les règles entourant la construction en bois et biosourcés seront considérablement durcies.

A titre d’exemple, l’arrêté prévoit, en substance, l’interdiction du bois apparent dans les bâtiments, ce qui représente un surcoût financier et environnemental non-négligeable à l’heure où la sobriété est érigée en valeur cardinale par le Gouvernement lui-même !

Un retour 10 en arrière

Nous voici revenus 10 ans en arrière, avec le retour du mythe de la fragilité des matériaux naturels… comme si nos voisins nordiques qui construisent des immeubles de plus de dix étages à base de biosourcés prenaient des risques insensés pour leurs occupants.

Pourtant, cet élan de construction durable est lancé. Le village olympique et paralympique pour Paris 2024, bâti sur ce modèle de promotion du biosourcé, est une vraie réussite et fait notre fierté. Mais soyons clairs, si cette nouvelle règlementation incendie était effective dans le logement, ce village n’aurait pu voir le jour dans sa forme actuelle.

La contradiction entre l’objectif de transition écologique de la construction et la réalité administrative rend la situation ubuesque et risque de bloquer de nombreux projets essentiels, alors même que le secteur de la construction connaît une crise préoccupante.

Ce changement prendrait le contre-pied des efforts engagés depuis plusieurs années par l’ensemble des maîtres d’œuvres, maîtres d’ouvrage et des industriels afin de répondre à la transition écologique du secteur de la construction. Les investissements industriels engagés depuis plusieurs années grâce au plan de relance et portés également dans la future loi Industrie verte risquent d’être grandement freinés par cette nouvelle réglementation.

Aujourd’hui, c’est la réglementation incendie concernant les établissements recevant du public qui est visée. Il ne faudrait pas que, demain, cela impacte de façon corollaire le logement, alors même qu’il y a urgence à répondre à la crise qui le touche et concerne tant de français.

Nous l’affirmons collectivement.

Nous sommes conscients des enjeux de sécurité dans les bâtiments que nous concevons ou construisons au quotidien, mais nous voulons prendre notre pleine part à la transition écologique de notre pays.

Nous sommes prêts à contribuer collectivement à l’évolution de la réglementation en matière d’incendie, mais nous rappelons le Gouvernement à la cohérence et la raison pour nous permettre d’exercer au mieux notre mission. »